Belle était la défunte, noir
était le ciel.
Troublé, songeant à
l’inhumée, je cherchais à fuir ces heures. Mon pas résonnait tristement dans les
flaques de pluie.
Etrange effet de
l’accablement : progressivement le crépuscule de mars, doux comme le cadavre,
enchantait mon âme en deuil.
Elle gisait au fond de son
tombeau depuis la veille et moi je marchais, les pensées légères en ce soir où
tout pourtant n’était que larmes. Dans la nuit humide je me remémorais ses
cheveux, ses traits, ses yeux.
A force de jouer avec les
nappes d’onde au sol, mes semelles se gonflaient d’eau. Et un inexplicable
délice montait en moi, comme si une rose s’enroulait autour de mon coeur pour
l’embrasser de ses épines.
Sa dépouille devait être bien
blanche et toute glacée dans sa sépulture, pensais-je, tandis que, désinvolte,
mon pied faisait de molles éclaboussures. La gravité avait quitté mon front, mes
chaussures trempées occupaient de plus en plus mon esprit.
Nous étions en cette période
intermédiaire de l’année que je redoutais tant à cause de sa
morbidité.
Et que j’attendais avec feu,
exactement pour la même raison...
La saison des giboulées est
une de mes sources d’ivresse austère : c’est une fête morose des éléments qui me
caresse, une grisaille pleine d’éclats qui me blesse. Le temps béni et maudit du
spleen, entre nuages vifs et azur sombre. Banales agitations météorologiques
provoquant chez moi de véritables ébranlements, d’intenses brumes, de profonds
mouvements intérieurs...
Bref, le mois de mars est un
beau chant sinistre pour esthètes mélancoliques.
De plus en plus absorbé par
les minuscules mares éphémères sur mon passage, un monde mouillé, argenté et
chantant pénétrait ma conscience et se superposait à l’autre monde, derrière
moi. (L’eau sous mes pieds ne se substituait pas à la
tombe, elle ne l’effaçait pas ni ne la brouillait, non, je dis bien qu’elle s’y
ajoutait.)
A travers les vaguelettes
produites par mon talon, je faisais le lien-peu évident, certes complexe
mais cependant bien tangible-entre le flic flac de la vie aqueuse et le
silence des corps rendus à la poussière.
Son pur, clair et familier des gouttes s’éparpillant sur le trottoir, issues de la même réalité qu’une morte étendue sous la terre, muette, invisible. La palpitation qui rencontre la pétrification comme le bleu côtoie la tourmente et la lumière croise la glace lorsque sur nos têtes s’abat la grêle et que dans nos villes apparaissent les milliers de flaques où se reflètent chacun de nos visages, en pleurs ou pleins de rires.
VOIR LA VIDEO :
http://www.dailymotion.com/video/x27fqyo_les-flaques-de-mars-raphael-zacharie-de-izarra_webcam
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